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L'effet papillon

Il y a un traitement contre tout, même contre le vent. Et pourtant. On s’abrite de son souffle derrière une paroi de béton. Et alors ! Alors le traitement devient enchantement. Quel bel instant que celui où le vent nous pousse vers le mur. Il pousse et pousse encore, giflant notre joue avec prudence, comme une caresse avec un gant. Le vent et le mur, en tension, en attraction, s’aspirent à chaque respiration dans un jeu en forme de duel amical, une danse sacrée et fraternelle où ils restent disponibles à la magie poétique de l'instant. Entre eux, entre les deux forces qui s'attirent, me voici en tranche, blottit de plaisir par étouffement. Le refuge froid et grisâtre laisse quelques ouvertures au souffle glacial comme un refus d’une séparation totale. Rien n’est départagé d'avance. Une porte qui s’ouvre suffit à changer la donne. Il s’engouffre avec malice comme le chat qui glisse entre vos jambes au moment du repas. Il souffle au centre et la pression augmente. Et la poussière l'accompagne comme une pluie d’étoiles. Le vent entre et investit l'espace feutré, bien rangé. Il choisit le chaos et la beauté du désordre. Un minuscule changement initial aura suffi à déstabiliser l'ensemble. L’effet papillon. Un monde nouveau.
La fenêtre tremble sous son chant. En bas, sur les pavés, un opéra de feuilles bleutées forme une spirale jusqu’à épuisement.

Et dans le sang versé par l’aporie, le désespoir de n’avoir trouvé de solution, les seaux d’eau bénite lavent le bitume qui finira par sécher sous le vent. Ils avancent à petits pas, les mains sur la tête, en file indienne vers la falaise, la falaise.

Une dernière carte avant de tomber, rivée au tronc, sous les balles.
Les cartes postales s’accrochent aux arbres, car il n’y a plus que les arbres qui voyagent. Comme les dents-de-lion, les cartes postales se détachent du tronc et emportées par le vent, elles fleurissent les boîtes aux lettres plantées dans les champs de blé. Les mots se détachent peu à peu et par grappes, ils finissent par nourrir la terre et le monde.

Nul poète ne peut prétendre à d’autres fruits que celui des mots.

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