BRUNO LEYVALPublications

Psaumes — Petites prières poétiques

Psaume 1

1.1

J’ai visité ta demeure, Seigneur, un cristal a gorgé mon coeur
Le quart de lune sous la voûte, comme un phare en mer agitée
La lumière, guide de mes errances
Éclaire mes nuits de promesse

Il y a une vierge sur une montagne de roche

Et maintenant, me voici sur le chemin
Paré d’une plume et d'une prière
Pour faire pleuvoir le ciel sur le feu sacré
Et les larmes sur les rochers

Vois-tu mes premiers pas ?

1.2

Dans un champ de blé endormi, à genoux les mains jointes
J’offre mes plaies à la terre et aux quatre vents
Préservez-moi de cette attention, de cette reconnaissance
À quoi bon être une lumière pour les autres et une obscurité pour soi-même ?

De mon palais absurde - les illusions
Je rêve d’un royaume dans le ciel - la rédemption

1.3

Je me suis tant préparé à ce moment de rencontre
J’ai peint tant d’icônes maladroites et sans visage
Essayant de faire de toi une pauvre image
Craignant la mort à en oublier de vivre

Je me suis enfermé dans une cage pleine de certitudes
J’ai recouvert de poussière le miroir, le corps, le coeur et l’âme
Et puis le doute a envahi le terrain vague
Pour laisser place à l’espoir, place à l’Éternel
Mon Éternel

La fragilité purifie et l’espérance ne trompe pas !

1.4

Voici un simple monde pour un infini
Un infini d’amour et de pardon
Le temps d’une rencontre et d’une fusion
Ou le mélange à la perfection

Je suis un simple monde pour ton infini
Tu es un simple monde pour mon infini

Et nous serons séparés et ensemble
Et ensemble séparément

1.5

D'un palais de miroirs aux reflets dupes
Véritable labyrinthe des ténèbres
J’offre ma retraite comme une offrande
À l'intériorité trouvée

Je retrouverais ainsi le chemin des traditions
L’expérience de l’esprit et de la matière – de l’unité perdue
Dissipant toutes les illusions du temps linéaire
Pour célébrer la vérité de l’univers cyclique

De ma tanière, j’implore l’oubli – car aujourd’hui
J'aspire au silence et à la foi

Psaume 2

2.1

Me voici donc en conversation avec le divin
De longs monologues nocturnes face aux anges du passé
Et les carnets raturés d’écritures vespérales
Gravent les dérives d’un pauvre fou qui parle tout seul

Pourquoi ce tumulte – un peu de poussière soulevée par le vent

Après tout, mes yeux se suffisent à eux-mêmes
Ils poussent aux voyages et aux multiples ruptures
Et provoquent d’incessantes transformations
De la chenille au papillon

2.2

J’ai fait le choix, le choix
Des mots obscènes et des situations
Des situations obscènes et des mots
Une montagne de chair flasque au dessert
Une orgie et du vin et des grappes de raisin
Les délices de la perversion antique

Le choix d’une dérive sur les flots secs d’un désert
Le mirage et les silhouettes pauvres de l’esprit

Certains soirs, à travers les arbres morts, sous le ciel d’Éden
On entend le hurlement des obèses

J’attends avec impatience la muse aux seins dorés

2.3

L'oiseau du jugement fracture le ciel noir de ses ailes
La foudre découpe les nuages de guimauve
La pluie battante s'abat sur les miroirs
Et la morale vrille et la folie

De la tour qui domine le vide se jettent les corps et les péchés

J'arrache de mon âme les épines
Les bras grands ouverts j'accueille le déluge et
Avant la punition divine, une voiture sur un parking
Dans ta bouche, je m'épanche et me mets à prier

Regarde-moi maintenant ! Regarde-moi !

2.4

Pourquoi te caches-tu au milieu des braises
Toi qui as la malice et l’arrogance du monstre cornu ?
Pourquoi me guides-tu vers le marécage
Qui engloutit de haine mon corps enchaîné ?

Et ta vermine envahit la zone centrale et sacrée
Mais mon coeur, lui, sera à jamais épargné

Je serai le témoin muet de ta déchéance

2.5

Si le mouton se couche, il meurt
Il ne verra plus le soleil briller
Le mouton se couche
Et meurt

Parfois, il faut savoir quitter le troupeau

2.6

C’est le premier battement
C’est le second battement
C’est le dernier battement

La possibilité d’un envol
Un pas vers le lointain

Psaume 3

3.1

Quelque chose qui semble permanent
Mais nous le savons tous
Les restes vont s’échouer sur le rivage
Avec le temps

Quelque chose de plus que ce monde
De plus profond – de plus grand

Et le grand jubilé qui cimente les rues
D’une offre merveilleuse
Dévastatrice

Le livre noir à la couverture dorée
Prends l’eau sous la pluie

Le premier jour

3.2

Le premier jour est le jour du déluge
Mon coeur ensevelit dans un puits
Mon corps dans un trou de gloire

Et l’inconnue de l’autre côté
Et l’inconnue de l’autre côté

3.3

Je ne t’écoute que par désir
Un long monologue creux
Mais l’absence augmente la pression
Et les artères sous tension
Éclatent sous le plaisir

La tentation

3.4

Parle-moi encore de ces roses mortes
Celles qui poussent le long des rivages noirs
Là où s'envolent les silhouettes pleines de défauts
Et les ombres aux tiges frêles et cassantes

Parle-moi encore de ces démons qui te hantent
Ceux qui viennent la nuit sur des chariots en feu
Et qui déposent des braises dans ton âme
Comme on plante les graines du désespoir

Parle-moi encore de toi et
Des stigmates qui trouent tes paumes

Fait moi entendre les prières et le vent

3.5

Bien des regards sournois et sombres
De fausses icônes se glissent dans le monde
Prédicateurs sur la colline qui invoquent l’invisible
Mais les anges restent au bord du vide