BRUNO LEYVAL

MESSAGE #30 : Tanit Ô massacres (Zoos)

Veille à la fertilité et aux naissances – belle de Carthage – les sacrifices d’enfants. Le cercle est en sang.

La porte reste fermée la journée, mais le soir, tu l’ouvres pour laisser entrer l’espoir d’aspirer l’esprit d’un ange. Un paillasson d’épines à l’entrée de ton temple et dans le long couloir, sur les murs, tes ancêtres meurtriers. Tous tes dieux étaient-ils vivants ?

La cuisine donne sur une arrière-cour sans lumière, envahie par les mauvaises herbes. On a du mal à apercevoir la fosse de la fenêtre. Une pile de corps forme une échelle – un seul accès.

Collectionner les attrapes-mouche et les suspendre au-dessus d’un lit – gardiens des rêves – pour que chaque songe reste un mystère. J’ai, depuis bien longtemps, succombé à ton charme antique. Une longue lignée de barbares coule dans tes veines, d’illustres ancêtres qui adoraient le sang – une belle façon d’expier ses pêchés.

Ha-onis le dernier prophète – barbe hirsute et cheveux
 sur le dessus manquant – un sceptre à tête de serpent
   choisir son idole – adoration et surpuissance – dévotion
 l’histoire se répètera – c’est sûr

18:18 – Zoos

Le cri d’un chat agonisant – plus de 120 ans – brise le silence. Triangle. Sur les pentes qui crépitent, en fusion, les premiers signes d’une éruption. Tout s’est effondré rapidement, en un instant.
Tanit était assise sur une vieille chaise en osier au tressage en friche — ce type de chaise que la communauté d’Aloor confectionnait et vendait quelques pièces sur le marché d’Elp pour survivre — à l’entrée du temple, calé à l’ombre de l’obélisque du dieu de l’est. Elle traçait d’étranges pictogrammes/pentagrammes à l’aide d’un frêle bout de bois de saule dans la terre rouge, cette même terre sang qui avait recouvert le sol après la grande destruction et les massacres. Son regard était vide, abandonné. Il ne restait plus rien que des ruines d’une beauté étrangement éblouissante. Il n’y avait plus rien à faire ici, tout s'était écroulé. Les murs d’argent étaient devenus lépreux et leurs entrailles laissaient découvrir la chair décomposée. Une odeur âpre et pestilentielle imprégnait les vêtements des rares survivants qui succombaient les uns après les autres aux diverses maladies propagées par les hordes de chiens errants qui envahissaient les rues la nuit. Nous étions à mille lieues de la cité d’avant, fière et généreuse, baignant dans l’opulence du spectacle. Les quelques icônes délabrées à l’entrée du temple nous rappelaient que l’endroit était sacré. Il y a bien longtemps que les multiples divinités qui peuplaient ce lieu s’étaient évaporées avec les dernières volutes d’encens. Ses longs cheveux gris attachés en queue de cheval par un gros élastique noir et sa tunique de lin ornée de plusieurs symboles antiques lui donnait l’apparence d’une sadhvi magnétique noyée dans une myriade de glyphes, alchimiques ou égyptiens, hindous peut-être, dont la description m’échappait. Elle passait ses journées assise là, immobile, au centre de ce qui restait de son univers, bercée par le souvenir de quelques notes de piano d’une mélodie qui accompagnaient des festins – elle vouait une admiration sans bornes à Rachmaninov – dont les tables étaient jonchées de belles grappes de raisin. Les derniers morceaux de la tour s'étaient écroulés il y a quelques semaines, laissant place à un immense amas de gravats, subtil mélange de béton et d’acier. Surpris à l’aube, peu d’habitants avaient réussi à s’échapper. En quelques minutes, l’édifice qui était la fierté de notre ville s’était effondré, creusant un cratère profond de plusieurs dizaines de mètres. Le feu étouffa les derniers cris et ravagea la cité.

Le temple n'est qu’en partie détruit. Bien qu’endommagés, les murs extérieurs, l’autel et les deux obélisques se dressaient encore au milieu du chaos. Les statues, religieuses ou non – qui n’avaient pas été détruites ce jour-là, ont été mutilées par les Sans, groupe d’activistes qui militaient pour la destruction des icônes du passé et pour l’abandon des dogmes. Certains pensaient que c'étaient eux qui propageaient la rage les nuits de pleine lune en se transformant en chiens. Ils prenaient alors la tête des hordes et semaient la terreur parmi les survivants.

Tanit, déesse du monde d’avant et d’après, qui sacrifiait ses hôtes après leur avoir fait l’amour.

brûle. la lave s’écoule le long de la pyramide de cèdre
 un œuf éclos avant de pourrir
en fusion, l’esclave allongé sur les pentes abritées,
   observe la trace de cendres – feu entre les jambes – un lit d’extase et de sacré
quatre bras pour une étreinte éternelle – jouir au pied d’un volcan

« L’éradication d’un fléau peut en engendrer un autre... Voilà comment une catastrophe devient mythes » disait Tanit, qui luttait à sa manière contre cela en traçant jour après jour ces signes et symboles sur le sol de manière obsessionnelle, en flirtant avec la folie. Elle était dans une sorte de brouillard passéiste, en négation totale avec la réalité. Elle avait conscience de la situation, mais la réfutait totalement, s’accrochant vainement au passé, aux croyances du passé, ce même passé amplifié de sornettes et autres adorations stupides qui, progressivement, nous avait conduits au néant. Étrange vision d’un monde quand on croit ce que l’on ne voit pas et nie ce que l’on a sous les yeux.

- Tanit : alors Zoos, es-tu celui qui décide de tout ? Les pics sur ton dos, sont-ils encore si robustes ?
- Zoos : ...
- Tanit : réponds-moi, vieux fou.
- Zoos : fais de moi un mythe jusqu’au sacrifice.

Zoos le magicien. Zoos n’existe plus que dans la tête de Tanit. Zoos n’est plus magicien – tout juste un chien errant au bord d’une route déserte qui s’échoue au pied de la chaine des montagnes Dhauladar. Masturbation dans une chambre d’hôtel. L’esprit de Zoos te ronge. Le pouvoir de Zoos.

Mythologie à répétition – après moi.

Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit Ha-onis Zoos Tanit

Mantra / répétition
J’ai regardé un film de Kenneth Anger dans la nuit / le soulèvement du diable
Les images incrustées sur des pellicules dorées / perforation
La baignoire accueille plusieurs partenaires en un seul / il coule
Deux têtes gardent l’entrée / les restes du culte
   éruption/éjaculation
Ha-onis Tanit / Zoos

17:17 – Sacralisation / à rebours

Les plus grandes adorations entraînent des mécanismes destructeurs. Pourtant, tout est sacré.
   Tout est sacré –

brunoleyval.fr

— 19/05/2025

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